Un Bouin, c’est tout

Quatrième de couverture

Il faut tout prendre : tes traîtrises et tes tripes, dans tes mains tout bercer, prendre feux, fuites, face et fesses dans tes mains ; tout grandit de caresses, dont la gifle n’est que l’application cuisante. La vie brûle de ses cinq doigts, mais l’amour est là.

Tout prendre de toi pour que l’autre y soit. Prière de ne pas jeter le B avec l’O du Bouin.

Yves-Jacques Bouin est comédien, metteur en scène, lecteur, poète. Organisateur du festival Temps de paroles et créateur des rencontres poétiques Salut Poètes ! et TèmPoésie à Dijon, il propose aussi des lectures et des spectacles, tient des ateliers d’expression orale et d’écriture en bibliothèques, associations, universités, hôpitaux, maisons d’arrêt...

De l’un l’autre

Il faut se méfier des mots.
Ils sont toujours trop beaux, trop rutilants
et leur rythme vous entraîne...

Si d’aventure, nous voulions découvrir quelque chose de moi-même ici, je veux dire au cours de ces lignes, ce n’est pas en parcourant le livre de la première à la dernière page, comme depuis des années nous y sommes accoutumés, habitude tôt prise et jamais contredite, mais c’est en l’ouvrant n’importe où, au hasard lisant, puis de là, flânant vers le début ou vers la fin selon, et poursuivant de-ci de-là, sans nous soucier de la sacro-sainte, chronologique pagination.

Nous nous efforcerions à lire lentement, remâchant les sons et les rythmes, sans que nous échappe une seconde du silence des marges, dans le respect de la saveur versatile des sens ; nous atteindrions la quiétude des fins gourmets du mot.

Alors seulement, nous serions conduits à découvrir quelque chose de l’auteur, ou plutôt le croirions-nous, (nous aimons nous laisser prendre à ce marché de dupes ou le dard du mot fait son miel) car ce que nous en pourrions dire ne serait tout au plus que la révélation d’un geste, d’un regard, d’un souffle, non de l’auteur, mais du lecteur, dans la tête duquel (également) je me trouve, plus dispersé, plus dissimulé, plus étendu que sur la moindre page. Mais qu’importe ! puisque ce quelque chose nous offrirait le bonheur de séduire ou celui d’être séduits, attirés toujours davantage dans le piège, cependant usé, de la séduction, miroir aux alouettes sans pouvoir de nous transformer en cette fleur, cachée dans les eaux attractives de nos poèmes.

Ce que nous en dirions ne serait qu’une totalité incomplète, un quelque chose auquel il manque un petit quelque chose, un fatras plus ou moins satisfaisant de paroles mais qui nous ferait vivre une heure de plus, nous contenterait, nous conforterait dans nos erreurs de biographe à la tire (quel plaisir de vider la poche de chaque mot pour en ravir le noyau sucé jusqu’à l’amande), et moi, plus approché donc plus inconnu, plus dissemblable et inconnu de vous comme de moi-même, je et nous, affolés par le pillage de « ce que ça dit, littéralement et dans tous les sens », roulerions dans la spirale infinie du discours et de l’écriture où se terre la joie d’être des dieux déchus dans l’attente d’un impossible amour, touchés mutuellement, touchés à mort.

... prêt à vous faire prendre un murmure pour une pensée. Jean Tardieu, « Les mots de tous les jours », La Part de l’ombre