Marie Étienne : organiser l’indicible
Textes réunis et présentés par Marie Joqueviel-Bourjea
Béatrice Bonhomme, Serge Bourjea, Yves di Manno, Marie Étienne, Marie-France Étienne, Isabelle Garron, Marie Joqueviel-Bourjea, Laure Michel, Gérald Purnelle, Marc Quaghebeur, Paul Louis Rossi, Martin Rueff
L’œuvre de Marie Étienne, forte d’une vingtaine de volumes, emprunte souvent le chemin d’une voie négative : dans l’indicible, l’imprévisible, l’inconnaissable, elle tente d’apprivoiser cette « matière de nuit » dans une mise en ordre possible du monde.
Les lectures qui composent ce volume coordonné par Marie Joqueviel-Bourjea cherchent à cerner la variété des écritures (et des vies) de Marie Étienne dont l’enfance et l’adolescence qui se sont passées à l’étranger (Vietnam, Afrique noire) ont nourri sa réflexion sur l’étrangeté de la langue même. Les analyses portent tour à tour sur les années Vitez, la pratique formelle de Marie Étienne, les enjeux de l’édition de ses livres, la dimension féministe de son œuvre, le rapport entre poésie et prose, le lien entre vide et plein, le dessin d’écriture, la relation à l’Histoire. Des textes de création ponctuent le volume, faisant dialoguer la poésie avec les « autres » de l’écrivain : théâtre (puisque Marie Étienne a été une proche collaboratrice d’Antoine Vitez), roman, mythe, dessin et critique. Le volume contient aussi des textes et des dessins inédits de Marie Étienne.
Quatrième de couverture
L’œuvre de Marie Étienne emprunte souvent le chemin d’une voie négative pour ouvrir à l’indicible, l’imprévisible, l’inconnaissable, cherchant à apprivoiser cette « matière de nuit » dans une mise en ordre possible du monde. Il ne s’agit cependant pas de donner des explications qui épuiseraient l’inépuisable, mais d’accepter aussi l’opacité. Il y a cette « nécessité de la clarté dans l’incompréhension, le langage, l’écriture, comme une lampe à huile que l’on promènerait sur les parois originelles ».
Les lectures qui composent ce volume sont autant de lampes à huile promenées sur la nuit du texte : fragiles lueurs, éclats provisoires mais éclairants et chaleureux. La parole critique cherche à cerner la variété des écritures (et des vies) de Marie Étienne et renforce la cohérence de l’œuvre.
Ainsi la poésie dialogue-t-elle avec les « autres » de l’écrivain : théâtre, roman, mythe, dessin et même Histoire. S’appréhende encore la fabrique du livre, son atelier, et, plus largement, l’inscription d’une écriture dans une époque de la pensée, de l’histoire de la littérature.
Sont réunis ici contributions et inédits de Béatrice Bonhomme, Serge Bourjea, Yves di Manno, Marie Étienne, Marie-France Étienne, Isabelle Garron, Marie Joqueviel-Bourjea, Laure Michel, Gérald Purnelle, Marc Quaghebeur, Paul Louis Rossi, Martin Rueff.
Marie JOQUEVIEL-BOURJEA — Avant-dire
*
Marc QUAGHEBEUR — D’entre les interstices, tisser des sons neigeux : les années Vitez
Gérald PURNELLE — La pratique formelle de Marie Étienne : du geste à la manière
Yves DI MANNO — Éditer Marie Étienne
Isabelle GARRON — Prose, mouvement de l’eau ; Digression en 7 variations à partir de L’Inconnue de la Loire
Paul Louis ROSSI — Marie Étienne – Nom de femme sous la pluie
Serge BOURJEA — Entre-mien
Marie JOQUEVIEL-BOURJEA — Une poésie qui rêve de prose
INÉDITS : TEXTES
Marie ÉTIENNE — Onze petits contes
Marc QUAGHEBEUR — L’Empreinte
Isabelle GARRON — Poème filmé
Paul Louis ROSSI — Vies silencieuses
Béatrice BONHOMME — Visage du fayoum
Martin RUEFF — Marie, qui voudrait
Marie JOQUEVIEL — [daxau] / [da∫o]
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Marie-France ÉTIENNE — L’Entre-deux ou le vide et le plein
Marie JOQUEVIEL-BOURJEA — Dessinécrire : « un supplément de traits »
Laure MICHEL — Le poème et l’Histoire
Paul Louis ROSSI — Le fil d’Ariane – Voie obscure Voie lumineuse
INÉDITS : DESSINS
Marie ÉTIENNE — Le voyage à Venise
Il s’agit bien, de fait, pour l’œuvre de Marie Étienne, de « ne révéler que le visible » ; mais un visible qui n’en finit pas de se démultiplier, les « photos » figurant un « décor » qui « change constamment » : l’œuvre ne donne ainsi à voir que des images (les photographies) d’images (le décor mouvant), comme désignant le puits sans fond de la représentation qui pourtant la fonde. [...]
30. Janvier. On n’écrit plus de poésie, un bric-à-brac de vieux droguiste.
Quel crédit accorder aux mots qui se succèdent, comment les croire encore possibles ?
Luttant contre le rythme pair, on ne tient plus sa main portée contre son cœur : le genre noble a la nausée.
On balade ses mots, on les décroche, on les espace, on les efface.
On les dispose comme on peint, comme on dessine ou comme on brode, au point de croix.
On fait de petits tas, sans ponctuation, « mendiant presque d’écrire ».
Des gens se parlent, parlent.
Dehors paraît, mais la chronologie, la logique sont absentes. Restent des flaques.
« Ce n’est pas un poème en ce mois de janvier. »
Ce n’est pas un roman qui déroule une histoire, pourtant là, travestie par les larmes, l’incohérence du sourire.
Les dialogues s’estompent, ils sont de la pensée répétée en écho. On évoque un silence, les doigts sur une vitre, une démarche entre des tables.
Comme on est bienveillant, on dit le chant et la lumière.
[Roi des cent cavaliers, Paris, Flammarion, coll. « Poésie », 2002 : « Journal de guerre », p. 41.]
- Date de parution : juin 2013
- Dimensions : 22,4 cm x 14 cm
- ISBN-13 : 978-2-913764-54-5
- Nombre de pages : 198
- Poids : 280g
- Reliure : Broché